Hydrocarbures

Phénomène de contamination des hydrocarbures par les micro-organismes

TRAITEMENT ET PROTECTION DES FUELS BIOCIDES

Les fuels constituent un univers propice à la prolifération des micro-organismes (ci-après MO) que représentent les bactéries, les moisissures et les levures en raison de l’eau et du carbone (élément nutritif) qu’ils contiennent ; le facteur temps et les effets de température représentant des agents catalyseurs. Les MO sont la cause de la dégradation biologique des fuels et ont pour principales conséquences le colmatage des filtres, la corrosion des réservoirs et autres circuits d’alimentation et de distribution du combustible. Pour lutter contre les MO et les éradiquer, on ne peut agir que sur un seul des éléments originels : l’eau, avec comme seule méthode de lutte, l’utilisation systématique d’un biocide encore appelé « micro biocide », « additif de gazole » ou « conservateur ».

 

DANS QUELLES CONDITIONS SE DÉVELOPPENT LES MICRO-ORGANISMES ?

Le milieu dans lequel ils se développent suppose que 3 conditions au moins soient réunies, si l’on admet par ailleurs le facteur temps :

  1. présence d’eau
  2. présence d’hydrocarbure (élément nutritif)
  3. effet de température

L’eau est indispensable à leur développement (sédiments, contaminants, sels minéraux). Or les hydrocarbures (ci-après HC) contiennent de l’eau à l’état dissous. En outre, il peut y avoir ajout d’eau lors du transport ou condensation du fait de l’aération des réservoirs (évents). Les HC fournissent encore le carbone qui est l’élément nutritif des MO. Par ailleurs, la température agit sur les MO soit comme agent inhibiteur soit comme agent catalyseur. En effet, la température favorable à leur prolifération est comprise entre 20°C et 40°C nonobstant leur capacité à résister à des températures sous zéro pour cératines et à des températures plus élevées pour d’autres.

 

QUEL EST LE MÉCANISME D’APPARITION ?

Une chute de température significative provoque dans le combustible la formation d’eau laquelle, en raison de sa densité, est entraînée au fond du réservoir. Un pied d’eau se forme et les MO s’y développent, d’autant plus facilement que la quantité sera grande et la température élevée. Il y a aussi davantage de risques d’épidémie l’été et dans les zones géographiques à climat tropical (chaud et humide). Lorsque les conditions sont peu favorables, des souches survivent alors (bactéries anaérobies) sans proliférer.

Dans un premier temps, les MO se développent à l’interface eau hydrocarbure localisé au fond du réservoir, là où leur concentration est la plus forte, pour occuper un espace plus important. C’est ensuite la phase aqueuse et, en finalité, les HC sont contaminés. La croissance est parfois très rapide puisque certaines bactéries peuvent doubler leur population en 20mn. Parallèlement, un bio film se forme sur les parois du réservoir (sorte de membrane visqueuse). Certaines populations de bactéries, dites anaérobies (qui se développent sans air ni oxygène) se complaisent derrière cet écran protecteur, et sont à la base des problèmes de corrosion des métaux.

 

QUELS SONT LEURS EFFETS ?

La présence en fond de réservoir de bactéries, comme les sulfatoréductrices, engendre la production d’H2S et provoque, par corrosion, la dégradation du combustible. Certains autres MO sécrètent des bio surfactants, produits qui diminuent la vitesse de décantation, de l’eau et des particules solides (rouille) dans le combustible. Par la formation d’une « zooglée », d’autres MO entraînent le colmatage des filtres situés sur les circuits d’alimentation, ce qui peut avoir comme conséquence une diminution de la puissance des moteurs, et qui nécessite le changement fréquent des filtres. Supprimer alors les filtres entraînerait derechef une perte d’étanchéité des injecteurs à cause des dépôts. Ce désordre se traduit par une mauvaise pulvérisation lorsque l’injecteur est ouvert et une mauvaise étanchéité lorsqu’il est fermé, d’où dilution de l’huile et, conséquemment, diminution de sa viscosité et de son pouvoir lubrifiant. La corrosion des métaux, des circuits d’alimentation et des réservoirs, est également un des effets néfastes de la présence des MO, des rôles conjugués des ferrobactéries, des bactéries sulfatoréductrices et des sulfobactéries, qui agissent selon le processus suivant qui aboutit à une bio corrosion, c’est-à-dire à une dissolution continue du métal allant jusqu’à la perforation (piqûres) : production d’agents agressifs (acides, sulfures) aération différentielle (bio film) dépolarisation anodique (par les ferrobactéries) et cathodique (par les sulfatoréductrices).

 

LE RISQUE ZERO EXISTE T-IL ?

Non, car il est impossible d’éliminer l’eau à l’origine de la présence des MO.

 

QUELLES SONT ALORS LES MESURES PREVENTIVES ?

Outre le fait d’être particulièrement attentif aux premiers symptômes, il convient :

  • d’éviter autant que possible les réservoirs à fond plat où stagne plus facilement l’eau, sans robinet de purge, ni drain (les réservoirs en polyéthylène linéaire sont recommandés dans ce cas et ceux en polyester gelcoaté sont à éviter),
  • d’équiper la ligne d’alimentation en sortie de réservoir d’un séparateur d’eau, filtre à carburant avec purge (décanteur) spécialement adapté aux moteurs diesel,
  • de nettoyer périodiquement le réservoir et de remplacer les éléments filtrants,
  • à titre de prévention, d’employer un biocide par additivation à faible dose.

 

COMMENT DETECTER LA PRESENCE DES MICRO-ORGANISMES ?

Les premiers indices révélateurs sont une eau trouble ou émulsionnée, des dépôts gélatineux ou visqueux, des tâches suspectes sur les millipores des filtres. Mais la contamination microbiologique se détecte aussi avec des tests vendus sur le marché tels que le dénombrement des bactéries aérobies, champignons et levures ou la recherche des bactéries anaérobies de type sulfatoréductrices (à l’origine de la corrosion métallique). Leur utilisation est simple, puisqu’il suffit de plonger le test dans le fluide, de l’y laisser incuber pendant 2/3 jours a une température ambiante, et de comparer les résultats à une palette référentielle fournie avec le test. Pour une meilleure connaissance du milieu microbien concerné, il est fortement recommandé de confier des prélèvements à un laboratoire spécialisé.

 

QUELLES SONT LES MESURES CURATIVES ?

En cas de contamination microbienne sévère, la solution curative résidera dans l’additivation d’un biocide de type isothiazolone qui se révèle d’une grande efficacité, et que l’on peut aussi utiliser pour traiter préventivement un carburant suspect embarqué lors d’un voyage au long cours.

 

QUELLES SONT LES PROPRIÉTÉS DES BIOCIDES ISOTHIAZOLONES ?

Les matières actives de ce produit, notamment, le chloro-méthyl isothiazolone et le méthyl isothiazolone, permettent d’inhiber en quelques heures toutes les espèces microbiennes y compris celles que l’on trouve dans les fuels et celles qui prospèrent pendant la phase aqueuse (pied d’eau). C’est dire leur large spectre ! Ce biocide possède aussi une meilleure solubilité dans la phase aqueuse que dans le fuel, point déterminant pour la protection efficace des installations pour l’utilisation des hydrocarbures (HC) à bord. Si l’absence d’effet secondaire sur la qualité du carburant est reconnue, en revanche, des risques toxicologiques existent pour l’être humain au cours des manipulations.

 

J. J. Mascart (Extrait d’une publication de 2007 parue dans les revues spécialisées)