Le Vice Caché – Responsabilités et Garanties

1- Notion de vice caché

Le vice, nous renseigne le dictionnaire, est une imperfection grave qui rend une chose plus ou moins impropre à sa destination.

En fait il convient de distinguer plus utilement le vice selon son type :

  • le vice propre (d’un matériau par exemple ; comme le stratifié verre résine qui est susceptible d’endommagement osmotique dans le temps) ;
  • le vice de conception ;
  • le vice de construction quand il ne s’agit pas simplement d’une inobservation aux règles de l’art,
  • le vice caché ou non apparent lequel est parfaitement défini et qui ne doit pas être confondu avec les précédents, ni à propos d’un quelconque défaut constaté sur un bateau.

Le vice caché est celui qu’un examen attentif et sérieux de la chose vendue ne décèle pas et qui la rend impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminue tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné un moindre prix s’il l’avait connu.

Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose précise encore le code civil (art.1641). Il est bon aussi de rappeler les dispositions de la loi portant statut des navires (loi 67-5 du 3 janvier 1967 modifiée par la loi du 29 avril 1975) dans son décret n°68-845 du 29 septembre 1968, selon lesquelles :

  • « Le constructeur est garant des vices cachés du navire malgré la recette du navire sans réserves par le client ».
  • « L’action en garantie contre le constructeur se prescrit par un an, s’agissant de constructions en série. Ce délai ne commence à courir, en ce qui concerne le vice caché, que dès sa découverte » (Dans le cadre d’une expertise judiciaire, le délai ne court qu’à dire d’expert – à partir de la date de dépôt du rapport du technicien).
  • « L’entrepreneur qui a procédé à la réparation d’un navire est garant des vices cachés résultant de son travail ».

Il conviendra également de porter attention lors de l’intégration dans le droit français de la directive européenne du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux, dont les principes risque d’avoir des conséquences sur la garantie des vices cachés de la chose vendue, comportant notamment une présomption d’antériorité du vice à la vente (Cf. Projet de loi du 23 mai 1990).

Toujours est-il qu’en matière de vice ou de défectuosité de la chose sur son usage (son utilisation), la distinction non apparente ou cachée du défaut est d’autant plus difficultueuse que, quelques fois, des notions approchées comme « l’erreur sur les qualités substantielles d’un produit » ou la « non-conformité entre la commande et le produit livré », lui sont associées, par ailleurs, souvent par défaut (la non-conformité, par exemple, de la chose aux spécifications convenues est une inexécution de l’obligation de délivrance et ne relève pas du vice caché).

L’existence du vice est caractérisée aussi par ses conséquences : l’impropriété ou l’inaptitude de la chose vendue à l’usage auquel on la destine et pour lequel elle a été acquise. Ainsi, par exemple, l’achat d’un bateau à moteur destiné à aller en mer, celui-ci s’avérant être en réalité une unité à l’usage de la navigation fluviale, est donc impropre à la destination pour laquelle il a été acquis.

La nature du vice doit être non apparente ou caché, cela signifie bien qu’il doit être nécessairement inhérent à la chose, donc interne, même s’il ne se révèle que, dans le temps, sous certaines circonstances ou dans des conditions particulières d’utilisation. Des décisions de justice précisent encore : « en particulier après inspection minutieuse du navire et parfois après plusieurs années de recherche … ».

2- Caractère rédhibitoire ou momentané du vice

La garantie des défauts de la chose vendue telle que prévue par l’article 1641 du code civil nécessite, par ailleurs, la mesure ou la connaissance de la gravité du vice : « … qui diminue tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix … ». L’exigence d’une certaine gravité du vice apparaît donc bien pour que la garantie s’exerce.

L’appréciation de la gravité du vice caché est laissée au pouvoir des juges du fond qui s’appuient encore sur le rapport d’expertise. Il est assez rare, en effet, qu’une action en vice caché puisse se résoudre sans recourir à une procédure judiciaire avec nomination d’expert, ne fut-ce que pour sauvegarder les droits de l’acheteur.

Il y a cependant lieu de procéder à la distinction entre le vice qui présente un état de défectuosité momentané (résultant par exemple d’un défaut de mise au point ou d’essais insuffisants du produit), de celui qui révèle des défaillances réparables bien que le vice apparaît souvent rédhibitoire.

Seul le caractère rédhibitoire du vice permet de solliciter la résolution de la vente. Notons aussi qu’en cas de défectuosités réparables, l’action en garantie n’est pas recevable.

Notons encore que la distinction de la gravité du vice est rendue plus nécessaire dès lors que la chose résulte d’une vente de seconde main où, bien entendu, son degré de vétusté doit être apprécié au préalable ainsi que son état d’entretien. Dans ce cas, seul une gravité sérieuse du vice, telle le caractère rédhibitoire par exemple, peut requérir l’appel en garantie du vendeur.

3- Qualités des acquéreurs et les exclusions

Dans la détermination du caractère caché ou apparent du vice intervient encore la qualité des contractants, car à l’évidence selon leur capacité à déceler ou non le vice de la chose, sa nature différente.

Ainsi, il est vrai, le professionnel est plus apte à déceler le vice de la chose et à cet égard, il est réputé, en raison de sa compétence, connaître les vices cachés affectant la chose (ou du navire qu’il a construit et livré par exemple). A son encontre existe une réelle présomption de connaissance du vice. Et la cour d’appel d’AIX est allée encore plus loin, en retenant la responsabilité d’un importateur d’une vedette construite en bois de mauvaise qualité, et en rappelant dans son arrêt que le vice caché ne l’est que pour le client, mais ne l’est pas pour le professionnel même si, importateur, il n’était cependant pas lui-même directement responsable de la construction.

Et cela va même encore au-delà, puisque la responsabilité d’un constructeur a pu être recherchée par l’acheteur d’un bateau de seconde main, vieux de plus de cinq années, auquel le vice caché imputable au constructeur était apparu.

Tout concourt par conséquent à garantir solidement l’acheteur contre les conséquences du vice caché. Il y a cependant lieu de distinguer la qualité de l’acquéreur.

3.1 – l’acquéreur est un non professionnel :

Il s’agit du cas général où le particulier, acheteur, n’a pas ou peu de compétence technique particulière de la chose. Il ne pourra donc pas déceler un vice de la chose que seul un technicien saura découvrir. Dans ce cas le vice caché pourra être retenu.

3.2 – l’acquéreur est un professionnel :

Lorsque l’acquéreur est lui-même un technicien il apparaît dès lors plus difficultueux de faire admettre le caractère caché du vice en cas de réclamation par l’acheteur, celui-ci devant faire préalablement les vérifications d’usage en la matière, même si le vendeur n’est pas un professionnel.

3.3 – les contractants sont des professionnels :

Pour des professionnels le caractère caché du vice ne peut être retenu en raison de leur compétence technique sachant, par ailleurs, qu’ils doivent procéder aux vérifications élémentaires sauf de démontrer le caractère indécelable du vice, c’est-à-dire le vice qui ne peut être découvert que par des investigations exceptionnelles.

L’antériorité du vice par rapport à la vente est, enfin, la dernière condition certaine qu’il conviendra de vérifier pour bénéficier des dispositions légales en matière de vice caché. Et, l’expert judiciaire commis dans ce cas, aura notamment comme mission de dire si le vice affectait la chose au moment de la vente.

En résumé, l’acheteur qui veut faire valoir la garantie du vendeur doit réunir les éléments de preuves prévues par l’article 1641 du code civil, pour mémoire :

  • l’existence du vice,
  • la nature du vice,
  • le caractère du vice et sa gravité,
  • la qualification de l’acquéreur et du vendeur,
  • l’antériorité du vice par rapport à la vente.

On ne peut terminer ce chapitre, sans évoquer l’exclusion du vice apparent prévue à l’article 1642 du code civil qui précise à ce sujet que : « Le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ».

En effet, est considéré comme vice apparent non seulement le vice manifeste mais encore celui qu’une diligence normale ou un examen attentif aurait pu déceler. Par exemple, le défaut d’étanchéité du compartiment moteur, qu’une diligence normale aurait pu découvrir. La garantie est exclue en cas de vice apparent.

Il est normal toutefois que l’acheteur qui a connaissance du vice au moment de la vente ne puisse porter plus tard réclamation. Seulement si, néanmoins, cela se faisait il appartiendrait au vendeur la charge de la preuve. Il sera donc prudent pour le vendeur de porter toute mention utile, dans ce sens, sur les actes transactionnels.